PAGE D’ACCUEIL
QUI SOMMES-NOUS ?
NOTRE FONCTIONNEMENT
CONSERVATION DE L’ŒUVRE DE MILAN FÜST
DOCUMENTATION
PHOTOGRAPHIES/TABLEAUX
CONTACTS
HÍREK
Magyar EnglishFrançaisGerman
Préface à l’édition new-yorkaise de L’Histoire de ma femme,
György KONRAD

Préface à l’édition new-yorkaise de L’Histoire de ma femme, roman de Milán Füst


« L’Histoire de ma femme », c’est d’abord l’histoire d’un mari. Celle du capitaine hollandais Störr. Qui devient, au fur et à mesure que le roman avance, une personnalité toujours plus imposante : il pèse deux cent trente livres. Milán Füst non plus n’était pas un gringalet, haute stature, épaules larges. Mais le capitaine Störr est un spécimen encore plus éclatant. Les hommes forts regardent les autres avec un calme bienveillant, dédaigneux ou admiratifs comme les enfants, mais avec un soupçon d’indifférence.
Ce n’était pas le cas de l’auteur, que ses familiers comparaient au prophète Joël de Michel-Ange. Il s’emportait, pris d’une passion sauvage, il était tyrannique, à un moment véritable visionnaire, à un autre moment grand comédien jouant au visionnaire. Il n’était pas aussi débonnaire que le capitaine Störr. Débordant d’humour, il savait magnifiquement pleurer. Il lui suffisait de le décider, et il éclatait en sanglots. Il était bouleversant, et terriblement grossier. Ceux qui se répandaient en éloges, chez lui, sur les noms de Marcel Proust ou de Thomas Mann, il leur montrait la porte. Ou bien tu te soumets, ou bien tu t’en vas. Tolstoï, d’accord, Shakespeare, d’accord, et puis un ou deux jeunes amis écrivains. Milán Füst n’était pas particulièrement prodigue en éloges.



*


Dans ce roman, le mari est extrêmement viril, et la femme extrêmement féminine. Nous ne savons de cette dernière que ce que le mari veut bien nous dire, même si ce mari est bien plus prolixe sur lui-même que sur son épouse. Lizzy est une petite femme, jolie, un peu rondelette, pomponnée, rêveuse, insondable. Elle sait quelque chose que ce grand dadais de mari ne sait pas, sur quoi il ne cesse d’enquêter. Ce gros ballot feint d’être inattentif et insensible, mais il est en fait extrêmement attentif et sensible. Il s’observe lui-même énormément, narcisse délicat, observant les humeurs passagères de son corps, sa condition physique, si, à proprement parler, l’inspiration existe ou pas.
Il est capable de pressentir et de rêvasser, de bâtir sur de petits riens tout un grand roman, qui prend forme, imaginable, et dont l’essentiel se résume au fait que cette petite femme à la fois brouillonne et apprêtée tourne peut-être la tête à quelqu’un, ou, ce qui est pire encore, que quelqu’un lui tourne la tête.



*


Le capitaine Störr, la force et l’expérience aidant, n’apprécie guère les autres. Et lorsque, homme déjà mûr, il tombe amoureux, il lui faut dès lors en payer la rançon : la jalousie. Ce versant sombre de l’amour le torture : plus il aime et plus la jalousie se renforce, jusqu’à la paranoïa. Dans la littérature de la jalousie, le roman de Milán Füst est une œuvre fondamentale.
Cette passion immense et inéluctable se déploie progressivement devant nous. Les angoisses d’un tel mastodonte sont certes bien plus intéressantes que les crises de jalousie d’une demi-portion. Tomber amoureux – c’est ce que l’auteur nous laisse supposer –, cela veut dire être condamné aux tortures de la jalousie. Dieu est-il épargné, ou est-ce là le seul lot de l’humain ? Jehova est jaloux, Jésus également. Quitte ton père et ta mère pour moi.
L’amoureux aspire à être le seul et unique auprès de l’être aimé, mais il sait que c’est impossible parce que les humains en demandent toujours plus. L’amoureux jaloux lui aussi en demande toujours plus.
Le capitaine Störr est aimé. S’il en est ainsi, alors tout va bien. On investit en quelqu’un un capital-amour, et le capital fait des petits. L’objet d’amour attise l’amour : qui est aimé par beaucoup, tous aspirent à l’aimer. Bref, le capitaine Störr rayonne. Les femmes s’agglutinent autour de lui. Une jeune fille de la bonne société anglaise, raffinée, et une femme mûre et ombrageuse, amante de son employeur et ami. Le fougueux capitaine les bécote l’une et l’autre. On nous fait savoir qu’il ne se passe rien de plus. Mais le capitaine Störr a le sentiment d’avoir trompé sa femme, même s’il supporte relativement bien les remords de conscience qui le rongent.
Il irait jusqu’à tuer sa femme. Mais il ne le fait pas. Il veut se libérer d’elle. La percer à jour. S’il la démasque il la tuera – ou s’il ne la tue pas, en tout cas il la quittera. Cela eut été plus facile si elle avait été surprise en train de voler, ou si elle en avait eu l’air. Plus facile dans ce cas-là de la quitter, de se débarrasser de celle qui le rendit malade au point qu’il en perdit l’appétit.
Car ce mastodonte des mers a peur des femmes. Les femmes sont exquises, gentilles, d’adorables petits joujoux. Mais tout de même il s’impose là, notre capitaine. Il veut jouer à la poupée avec les femmes. Il apprécie tout autant, certes, les créatures félines, celles qui lui donnent un coup de griffe ou tentent de lui mordre le cou. C’est le type d’homme que les féministes rabrouent fermement mais qui finissent au lit avec lui. Qui recherchent sa chaleur. Le héros d’un roman d’amour, c’est-à-dire d’un roman de jalousie, il faut qu’il soit comme ça.


*


Que pourrait-il écrire d’autre – il a déjà passé le milieu du chemin de la vie –, ayant pendant sept années, de 1935 à 1942, travaillé d’arrache-pied, enfermé dans le bureau de sa villa avec jardin, à Budapest, professeur juif sans emploi, dont le maigre recueil de poèmes fut qualifié par ses amis poètes de « grand », « universel », « cosmique », celui que les générations suivantes idolâtrèrent, lui, le précurseur d’une avant-garde créatrice de formes ? Ce maître qui pendant vingt années étudia le silence de Tolstoï, ce vrai professionnel qui explora tous les secrets de la narration, comme le peintre ou le compositeur sa propre matière, ce maître, oui, pendant de nombreuses années, ne sortit pas de chez lui.
C’était un enfant pauvre, vivant avec sa mère dans un petit logement donnant sur cour. Il avait commencé à écrire dans la cuisine, sortant parfois s’aérer en fréquentant les cafés, puis il a étudié le droit, enseigné, et publie ses propres livres à compte d’auteur ; mais son ancienne élève, femme d’affaire devenue son épouse l’aime fidèlement, le divinise et l’entretient. La maison possède un mobilier somptueux, aux murs pendent des tableaux de qualité ; il n’a donc aucune raison de sortir, n’ayant pas même à quitter son jardin pour s’approvisionner.
Il ne voit que ceux qui lui rendent visite. Exil intérieur qu’accompagnent une méticulosité toute flaubertienne et un grand soin du détail esthétique. C’est un esthète érudit et un grand poète qui écrit ce roman à l’âge de cinquante ans. On ne le comprend pas, peu de gens l’apprécie, il n’est pas question de briguer un succès commercial, il a le temps d’écrire un chef-d’œuvre.
Lorsque le roman paraît, on ne s’en aperçoit pratiquement pas, seuls les connaisseurs découvrent progressivement la saveur de cette écriture magistrale. On ne le découvrira que vingt ans plus tard, le roman paraissant successivement en français, en allemand, en italien et partout en Europe de l’Est. Son auteur, dit-on, est proposé en 1967 – à l’âge de soixante-dix neuf ans – pour le prix Nobel de littérature, mais la mort a pris de vitesse l’Académie suédoise.


*


Au cours de ces années-là, alors qu’il est plongé dans l’écriture de ce roman, il lui arrive de parcourir les journaux : la Seconde Guerre est imminente, de même que les décrets de lois antijuives – le nœud se resserre.
Le maître détourne les yeux. Il se prémunit contre le scandale, arguant qu’il ne veut pas savoir. Il édifie en lieu et place de ce monde un autre monde où il est question de sentiments authentiques. Il faut protéger la littérature de la politique, de celle de droite comme de celle de gauche. Il faut protéger la littérature des généralités abstraites. Telle est la volonté d’un homme qui, dans ses Journaux, adore s’élancer au milieu des généralités abstraites en philosophant. Il faut saisir à pleines mains l’humain non pollué.
Cela, Milán Füst – ironie du sort – le découvre dans la jalousie, dans cette passion abstraite qui, même s’il recherche des pièces à conviction tangibles, ne poursuit néanmoins qu’un cauchemar insaisissable, ayant soigneusement prévu l’éviction du paradis.


*


L’impuissance est postulée à l’avance : nous ne connaissons pas l’être que nous avons connu au sens biblique, nous n’aurons jamais fini de le connaître. La femme est insondable pour son mari. Nous savons bien que nous allons mourir et que de la même manière cet amour lui aussi mourra, alors ne traînons pas. Si l’amour doit mourir, eh bien qu’il meure maintenant ! Nous aspirons à l’ordre, à des histoires bien ficelées, et nous terminons nos histoires en leur bricolant une fin qui obéit à un certain ordre esthétique.
Plus on est amoureux, plus on aspire à ce que ça se termine. Pour ne pas trop être asservi. La capitaine de navire jaloux souffre du fait qu’il lui faut aimer. Il souffre d’un sentiment d’emprisonnement ; parce que dehors, sur la mer, où il n’y a pas de petites femmes futiles, où il faut transporter et se maintenir en vie, là se trouve la réalité ; sur la terre ferme en revanche, au foyer de l’homme marié, dans ce petit nid d’amour parisien-londonien, il n’y a pas de réalité, nous nous perdons dans le monde des mirages suspects, et ça ne sert à rien d’être un dur à cuire, on n’échappe pas au broyage, il faut payer le prix pour accéder au paradis.


*


Ce grand être fou, il a une bonne petite femme, mais lui ne la croit pas bonne. Il s’agit d’un livre subtil. Parce que cette Lizzy, il est possible qu’elle soit un tantinet volage, mais il est aussi possible que ce ne soit pas du tout le cas. Le capitaine Störr, en revanche, la croit parfois outrageusement infidèle. Parvenant à être si rusée qu’elle dissimule ses débauches en restant à la maison. On peut donc voir les choses dans un sens ou dans l’autre. Le capitaine se trouve coincé du fait que tout dépend du point de vue où il se place, et que tout point de vue peut être également vrai ou illusoire. L’humour du maître, c’est ça, le relativisme d’un grand monstre.


*


Milán Füst, dans ce bourbier opaque qu’était la Hongrie des années 30, et dans la situation que cela supposait pour lui, ne savait pas quoi faire. Il avait envie de partir pour Paris, pour Londres – des destinations plutôt ordinaires pour un bourgeois. À cette époque, les juifs aspiraient à quitter Budapest, mais l’Amérique était trop loin, et Paris trop proche. Alors ils restaient à Budapest.
Un poète juif hongrois décide, lorsque tout se délite et tombe en poussière, d’élaborer une œuvre dense et bien construite ; il extirpe le roman en cours de cette fange bourbeuse et émigre – du moins à sa façon – dans l’écriture qui lui permettra de s’occuper de ce qui l’intéresse : de l’art, qui ne contraint pas l’homme à écrire son livre avec son sang, avec son destin, et dont la mission d’expérience de laboratoire se dégage : développer un thème musical en quatre mouvements, tout en variant bien sûr sur certaines turbulences.
Milán Füst n’a rien su trouver de mieux que d’émigrer dans son roman. Il a voulu écrire un roman pur dans une époque sale, et il y est parvenu. L’Histoire de ma femme est un roman pur. L’auteur a pu se réfugier dans son travail pendant sept années. Ensuite il a bien fallu mettre le point final. Il est possible qu’il l’ait trop écrit. Il savait déjà tout sur la monomanie, sur l’égomanie, qui était suspecte, inévitablement. Il a attendu qu’on le blesse. Le lion revêche grogne sur son entourage, attendant de pouvoir pousser un rugissement, guettant le moment où il pourra enfin donner un bon coup de sa patte de lion.


*


Milán Füst n’est pas allé en Hollande, pas plus qu’il n’est allé à Paris ou à Londres. Le héros du roman, c’est un marin hollandais, et le cadre du roman c’est Paris et c’est Londres. Dans le roman, il n’est jamais question de la vie en Hollande, ni du milieu parisien ou londonien. Il est seulement question de savoir si la femme du capitaine temporairement sans travail a trompé oui ou non celui-ci. Le capitaine a passé la quarantaine et, loin d’être un puceau, il tombe amoureux pour la première fois ; et celle dont il tombe amoureux, il la prend pour épouse en moins de temps qu’il faut pour le dire.
Débutant de l’âge mûr, il n’y a rien en lui du savoir blasé : il s’étonne, analyse, réfléchit longuement, avec sa manière à lui, tranquillement, sur les petites énigmes de la vie quotidienne. Mélange de chimère et de raison : ma femme veut-elle me tuer ? Mais non, fadaise ! Et ainsi de suite. Milán Füst a magnifiquement rendu cette incertitude. De l’environnement, des villes, il ne dit rien, le mari et sa femme ont du temps à se consacrer l’un à l’autre ; l’écrivain maintient dans des conditions expérimentales et réduites ces deux personnages – ou plus exactement ce personnage unique qu’est son propre moi fictif.
Supposons que je sois un capitaine de navire hollandais. Plus grand, plus fort, plus irrésistible, plus courageux que l’auteur, qui n’a pas l’habitude de zigouiller sans piper mot un misérable petit chauffeur de taxi lorsque, le pistolet à la main, il veut le détrousser. Le capitaine, à ce moment-là, se trouve sans travail. En dehors d’un superbe chapitre, pas de temps à perdre avec des histoires de marins, ni avec la sociographie, parce que le capitaine de navire n’est que de passage et en transit dans les grandes villes ; hormis sa femme, il ne connaît presque personne. Le maître fait tourner son enquête autour de la question de savoir si Lizzy est fidèle ou non, et maintient son lecteur dans le doute jusqu’au bout. À la fin du roman, nous sommes confortés dans notre pressentiment initial qu’elle a bien été fidèle ; nous pouvons encore verser quelques milánfüstesques larmes sur le sort de la pauvre Lizzy, mal comprise, mais nous partageons néanmoins nous aussi les doutes du capitaine Störr : et si, quand même, elle avait été volage, cette Lizzy ?
Une telle question ne nous empêche pas de vivre, certes. Alors que pouvons-nous attendre de ce gros livre ? Ceci, que nous avons réussi à nous identifier au capitaine Störr et à le suivre dans ses cogitations, dans ses ébahissements humoristiques, dans ses humbles aventures. L’auteur n’a jamais eu d’autre ambition que de faire l’expérience d’un premier amour et de ce qui l’accompagne à travers le cœur d’un mari jaloux.
Les anciens romans se sont fréquemment attardés sur la phase de l’amour qui conduit jusqu’au lit ; et le roman, d’ordinaire, s’arrêtait là. La question romanesque pouvait alors se définir ainsi : « Est-ce que tout cela va déboucher oui ou non sur le mariage ? » L’Histoire de ma femme commence après cela. Dans le mariage désormais, quelle autre question angoissante va se présenter ? vais-je le ou la tromper, ou bien non ? Est-ce qu’il ou elle me trompe, ou bien non ? La route mène jusqu’au lit, et de là peut-être jusqu’à un autre lit. Les romanciers suivent le chemin des nomades de l’amour.
Il n’existe probablement aucun couple qui n’ait vécu l’incertitude originelle de l’homme – cette incertitude qui fait qu’on se sait jamais si l’être aimé est nôtre ou bien non, si, bien qu’il soit dans nos bras, il n’est pas en réalité loin de nous quand même. Il est à craindre que, perdu dans ses rêves, il pense à quelqu’un d’autre. L’être aimé est triste, donc il n’aime plus.
N’ayant encore jamais vu un seul être humain qui ne soit sensible à la jalousie, je recommande au lecteur ce roman sur les aléas de l’incertitude comme un guide de voyage ; non pas pour aller à Paris ou à Londres, mais pour le guider dans le mariage.
Tous les maris n’ont pas le temps de se comporter en détective privé, quasiment, auprès de leur femme – car nous avons autre chose à faire. Mais l’auteur a dispensé le capitaine Störr de toute autre obligation. Il n’est à la tête d’aucun navire à ce moment-là ; l’argent, s’il diminue, il en a encore. Ils sont toute la journée ensemble, mais sans être ensemble. Le capitaine Störr ne peut jamais être complètement sûr de son fait. Ce qui fait sa force, c’est sa faiblesse. Milán Füst, avec ce capitaine, nous fait connaître l’enthousiasme, la honte, le désir de tuer, et l’immense tendresse.


*


Ce n’est pas sans plaisir que l’on suit ce capitaine, qui décrit avec beaucoup d’à-propos les épisodes de sa vie en les évoquant pour nous sans cesse et avec sérénité. Ce que pense intérieurement ce narrateur-capitaine, s’il ne le divulgue pas immédiatement aux autres personnages, il ne saurait en revanche les dissimuler à ses lecteurs.
Milán Füst, à vive cadence, nous fait changer de perspectives. Grâce à ses tournures familières, à l’emportement calculé, il rend plus dynamique la voix du monologue intérieur. Ce capitaine a toujours quelque chose qui lui vient à l’esprit. Il se fait des remarques assez spirituelles sur tout, qu’il s’agisse d’une nuit d’amour, d’un meurtre, ou d’une flânerie enivrante dans un parc ou un cimetière ; Milán Füst maîtrise son affaire.
Le maître reste fidèle à ses propres découvertes esthétiques. Sur un rythme empressé, il fait astucieusement alterner la synthèse et le « déploiement présentifiant » – autrement dit le récit bref d’une longue unité de temps et le long récit d’une courte unité de temps.
La prose un tantinet maniérée de Milán Füst possède un courant, une fluidité, un ondoiement qui savent nous entraîner. On y rentre, on en sort, on s’en éloigne, on y revient. L’alternance rythmique des voix et des points de vue nous rappelle que l’auteur fonctionne lui-même sur des oppositions violentes, qu’il comprend le langage aussi bien de l’empathie que du noir désespoir, et qu’il est capable de compassion mais aussi de profonde cruauté.
Le capitaine Störr est un homme sans illusion, mais dans cette aventure véritablement unique pour lui qui consiste à découvrir ce qui se passe dans la tête de sa femme, il est tellement ouvert, prompt à l’étonnement, malheureux et curieux que nous prenons goût à sa compagnie. Je boirais volontiers au comptoir, au coude à coude avec ce capitaine Störr, quelque chose de fort. À défaut de le rencontrer, je me souviendrai de lui. Si vous souhaitez vous aussi garder le souvenir d’un type épatant, qui était loin d’être idiot mais qui était quand même un âne, vraiment, ayant gâté le meilleur de ce que la vie lui avait offert – s’angoissant du fait qu’un tel cadeau n’était peut-être pas vraiment sien –, si vous voulez lire une histoire banale qui sache en même temps vous attacher profondément à son narrateur, alors lisez les notes du capitaine Störr sur sa femme.


                                (Traduit du hongrois par
Thierry LOISEL et Anett BARNA.)